Ginette Kolinka, survivante de la Shoah, a été déportée à Auschwitz en avril 1944 à l’âge de 19 ans, avec son père, son frère et son neveu. Ces derniers ont été assassinés à l’arrivée du convoi. Ginette, elle, est sélectionnée pour le travail et elle survit.
Depuis plus de vingt ans, elle se rend à Auschwitz avec des groupes d’élèves. En octobre 2020, elle se trouve une dernière fois à Birkenau. Elle est accompagnée d’un journaliste, Victor Matet, et d’un auteur de bande dessinée, Jean-David Morvan. De cette rencontre naît un album, dans laquelle Ginette Kolinka raconte ce que fut sa vie avant, pendant et après la Shoah.
Apprenant la parution de la bande dessinée intitulée « Ginette Kolinka. Adieu Birkenau», le Mémorial de la Shoah initie un partenariat avec l’éditeur Albin Michel pour créer une exposition itinérante consacrée à au cheminement d’une des dernières survivantes d’Auschwitz.
L’exposition, tissant des liens entre les cases de la BD et les documents d’époque, archives et photographies, replace le parcours de Ginette Kolinka dans une histoire plus large de la persécution de Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Commissariat : Tal Bruttmann, historien, Caroline François, chargée des expositions
Avec la complicité de JD Morvan et Victor Matet et le regard de Ginette Kolinka
En partenariat avec les éditions Albin Michel
Graphisme : Philippe Poirier
Ginette Kolinka est née Ginette Cherkasky le 4 février 1925, à Paris. Elle est la fille de Léon et de Berthe Cherkasky. Le couple a six filles : Léa (née en 1909), Suzanne (1912), Sophie (1915), Lucienne (1918), Jacqueline (1922) et Ginette, qui est la cadette, et un fils Gilbert né en 1931.
À Paris, dès les premiers jours de l’Occupation, les Allemands favorisent le développement de l’antisémitisme. Les Allemands comme le régime de Vichy promulguent les premiers textes antisémites. Début octobre 1940, tous les Juifs habitant la capitale sont tenus de se faire recenser, sous peine d’amende et de prison, et de se présenter dans un commissariat. Léon Cherkasky obtempère, comme des dizaines de milliers d’autres Parisiens de la capitale.
Dans les mois qui suivent, les interdictions et mesures vexatoires décidées par les Allemands se succèdent : interdiction d’entrer dans les jardins publics, confiscation des postes de radio, interdiction de sortir entre 20 h et 6 h, obligation de monter dans le dernier wagon du métro, le seul autorisé pour les Juifs.
Début juillet 1942, les Cherkasky fuient Paris pour se réfugier en zone libre. En quelques jours, ils se procurent de faux papiers avec de nouvelles identités et trouvent des moyens de franchir la ligne de démarcation.
Les Cherkasky s’installent à Avignon. Afin de subvenir aux besoins de la famille, toutes les filles se mettent en quête d’un emploi.
En novembre 1942, l’armée allemande entre en zone libre. La Wehrmacht comme la police allemande s’installent à Avignon, faisant à nouveau planer le danger.
Le 13 mars 1944, Ginette, Léon, Gilbert et Georges sont arrêtés à leur domicile. Tous les quatre sont transférés à Marseille, à la prison des Baumettes. Ginette est séparée de Léon, Gilbert et Georges, et détenue dans une cellule avec d’autres jeunes filles juives. Leur détention dure quinze jours : le 1er avril, les Allemands extraient tous les Juifs de la prison des Baumettes. Cinquante-cinq personnes, dont Ginette, Léon, Gilbert et Georges, sont conduites à la gare Saint-Charles pour être transférées au camp de Drancy, dans la banlieue de Paris.
Au camp de Drancy, hommes et femmes sont séparés et logent dans des chambrées distinctes. Ginette, qui a été affectée aux cuisines du camp et effectue des corvées de pluches, retrouve parfois son père, son frère et son neveu dans la cour du camp, quand les prisonniers sont autorisés à s’y rendre. D’autres membres de la famille, du côté de Berthe, se trouvent aussi détenus à Drancy au même moment.
Le 13 avril, à 5 heures du matin, les 1 502 personnes désignées pour la déportation sont rassemblées dans la cour de Drancy et embarquées dans des autobus qui les emmènent jusqu’à la gare de marchandise de Bobigny. C’est là que les attend le convoi 71. Les prisonniers, sous la surveillance d’Allemands en armes, sont embarqués dans les wagons de marchandises. Dans ce convoi, parmi les 295 enfants, se trouvent, outre le frère de Ginette et son neveu, 34 des enfants arrêtés lors de la rafle contre la maison d’Izieu dans l’Ain et 12 des enfants arrêtés lors de la rafle contre le refuge clandestin de la Martellière à Voiron (Isère).
Ce n’est que dans la nuit du 15 au 16 avril 1944 que le train atteint sa destination et arrive à Auschwitz. Après le débarquement chaotique sur la Judenrampe, les SS séparent les hommes et les femmes pour la « sélection ».
Léon Cherkasky et son fils Gilbert, ainsi que les 1 112 autres personnes qui n’ont pas franchi la « sélection », parcourent à pied ou en camion le plus d’un kilomètre et demi qui sépare la Judenrampe du centre de mise à mort, le site dévolu à l’assassinat de masse de la « Solution finale de la question juive ». Aucune des 1 114 victimes du convoi 71 envoyées vers les chambres à gaz durant la nuit du 15 au 16 avril 1944 n’a pénétré dans le camp de concentration de Birkenau – ni même ne l’a vu.
Ginette, Ellen a été sélectionnée pour le travail, et devient la prisonnière 78 599. Après l’enregistrement, Ginette et ses camarades de déportation sont envoyées au camp des femmes dans le secteur B Ia. Les prisonniers dorment dans des niches, constituées de trois étages superposés – appelées dans l’argot du camp des coya. À chaque étage, de 6 à 8 prisonniers doivent prendre place chaque nuit. Ginette partage dès lors sa coya avec d’autres Françaises : Yvonne Jacob et ses deux filles, Madeleine et Simone, ainsi que deux autres jeunes filles, Marceline Rozenberg et Hélène Weinberg. Durant plusieurs mois, ces femmes vont être affectées aux mêmes corvées et travaux. Les quatre plus jeunes filles développent alors des liens de solidarité et d’amitié très forts.
Fin octobre 1944, face à l’avancée de l’Armée rouge, les SS commencent les transferts d’évacuation d’Auschwitz. Le 28 octobre, Ginette et Marceline sont embarquées dans un convoi qui quitte Auschwitz.
Après plusieurs jours de transport dans des conditions très dures, les prisonnières arrivent le 8 novembre 1944 à Bergen-Belsen, où règne un immense chaos. Durant près de trois mois, jusqu’au début de février 1945, Ginette est détenue sans jamais être assignée à un Kommando de travail, tout en subissant régulièrement les appels et autres violences des SS. Début février, 500 femmes juives sont désignées pour aller travailler à Raguhn, dans une usine dépendant du camp de Buchenwald. Parmi elles, Ginette et certaines de ses camarades du convoi 71. Les conditions de vie dans le camp de Raguhn sont, en apparence, meilleures qu’à Auschwitz ou Bergen-Belsen. Les prisonnières se voient remettre la tenue rayée des camps, ce qui est une première pour Ginette, après près d’un an dans le système concentrationnaire vêtue de hardes.
Début avril 1945, face à l’avancée des troupes américaines qui approchent rapidement par l’ouest, les SS décident d’évacuer le camp. Environ 480 femmes encore en vie sont embarquées le 12 avril dans un convoi en direction du camp-ghetto de Theresienstadt. Le 4 mai, les SS fuient face à l’approche de l’Armée rouge, qui entre dans Therensienstadt le 6 mai. Ginette tombe dans le coma. Elle reste alitée dans cet état pendant plusieurs semaines, jusqu’à début juin.
À partir du mois de juin 1945, les rescapés français de Theresienstadt sont rapatriés en France par avion, de Pilsen à l’aéroport de Lyon-Bron. Là-bas, Ginette, encore affaiblie, est prise en charge par le centre d’accueil des rapatriés. Elle pèse alors 26 kilos et a la tête encore rasée, à cause des poux.
Ginette est transférée à Paris à l’hôtel Lutetia, lieu où sont accueillis tous les déportés de retour des camps. Elle n’y reste que quelques heures et décide de rentrer à l’appartement familial rue d’Angoulême. Sa mère lui ouvre la porte et l’accueille avec émotion. Berthe espère encore que Léon, Gilbert et Georges vont eux aussi rentrer. Ginette doit lui annoncer que Léon et Gilbert ne reviendront pas.
De sa déportation, Ginette Kolinka ne parlera pas durant de longues décennies. Ce n’est qu’une fois à la retraite qu’elle commence à raconter son histoire. Dès lors, durant vingt ans, Ginette accompagne inlassablement des groupes sur le site d’Auschwitz-Birkenau, témoignant de son quotidien au camp. Elle témoigne également pour tous ceux qui ne sont pas revenus. Infatigable passeuse de mémoire, elle fait de la transmission aux jeunes générations son combat de tous les jours.
Témoignage exceptionnel de Ginette Kolinka, le vendredi 27 janvier 2023
« Ginette Kolinka. Adieu Birkenau »,
de JD Morvan, Victor Matet, EFA, CECS, Roger
(éditions Albin Michel, 2023)
En vente à la librairie du Mémorial de la Shoah
Entrée gratuite, au niveau -1 du Mémorial de la Shoah de Drancy
Presse: AGENCE C LA VIE
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