Dans le cadre de ses missions éducatives, le Mémorial de la Shoah entreprend une série intitulée « le sens des mots ». Plus que jamais, il est important de comprendre que les mots ont un sens et une définition précise. Le Mémorial de la Shoah se doit d’insister sur l’importance du sens des mots, de leur utilisation et usage.
Pourquoi ça existe ?
Historiquement, les camps de concentration ont vocation à “rééduquer” par le travail des personnes réfractaires à l’idéologie totalitaire du régime (opposants politiques, résistants, etc.). Dans les faits, ce sont des lieux de répression pourvoyeurs d’une main d’œuvre gratuite.
Et aujourd’hui, qu’en est-il ?
Plusieurs chercheurs et ONG considèrent, par exemple, que les conditions d’internement de centaines de milliers de Ouïghours au Xinjiang (Chine) présentent un caractère concentrationnaire.
Simplement une prison. Dans un camp de concentration, sont, généralement, enfermés des opposants politiques, qui n’ont pas eu droit à un procès équitable. Les détenus ne bénéficient pas des droits communs d’un justiciable (principe du contradictoire, présomption d’innocence, etc.).
Un camp d’internement. Dans un camp d’internement sont rassemblées des personnes définies comme “indésirables”, placées à l’écart du reste de la société et mises sous surveillance.
Depuis quand cette notion est-elle utilisée en droit ?
La notion de crime contre l’humanité a été définie pour la première fois en 1945 par le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg. Cette première définition a été plusieurs fois modifiée et élargie, notamment en 1998 lors de la création de la Cour pénale internationale.
16 des 24 responsables nazis jugés par le Tribunal militaire international de Nuremberg sont alors reconnus coupables de crime contre l’humanité.
Et aujourd’hui, qu’en est-il ?
Le Statut de Rome de 1998 créant la Cour pénale internationale représente le consensus le plus récent et exhaustif de la communauté internationale sur cette question. En France, le crime contre l’humanité entre dans la loi en 1964. Une loi de 1994 le définit précisément dans le droit français en prenant en compte la jurisprudence (procès Barbie en 1987 et Touvier en 1994).
Synonyme de génocide. Le génocide ne désigne que des faits d’extermination intentionnels et systématiques de personnes liées à la nationalité, l’ethnie, la race ou la religion. Le champ d’application du crime contre l’humanité est beaucoup plus vaste et peut concerner une diversité d’actes : arrestations arbitraires, esclavage, persécutions, etc.
Si on me dit : “un crime contre l’humanité est aussi un crime de guerre.”
Je réponds : Non, à l’inverse d’un crime de guerre, le crime contre l’humanité n’est pas nécessairement lié à un conflit armé. Un acte commis en temps de paix peut donc être considéré comme un crime contre l’humanité.
Et aujourd’hui, qu’en est-il ?
La Convention de 1948 est aujourd’hui ratifiée par 153 États. Une partie d’entre eux a intégré le crime de génocide à leur droit interne, comme la France en 1994. Depuis 1948, deux juridictions spéciales internationales constituées sous l’égide de l’ONU ont prononcé des condamnations pour crime de génocide : le Tribunal pénal international pour le Rwanda (1994-2015) et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (1993-2017). Depuis 1998, la Cour pénale internationale est la seule cour internationale permanente ayant compétence pour poursuivre les responsables de crime de génocide.
Tout meurtre de masse n’est pas…
Un génocide : la définition retenue par la Convention de 1948 s’appuie sur des critères spécifiques quant à la nature du groupe-cible. Les massacres commis sur des critères politiques et sociaux sont ainsi exclus de cette définition juridique.
Si on me dit : “Contester à un meurtre de masse la qualification de génocide revient à en réduire la gravité.”
Je réponds : Non. Le terme « génocide » est une notion juridique fondée sur des critères précis et qui ne recouvre pas de dimension morale. Si, dans les faits, ce terme ayant acquis une forte portée symbolique est abusivement utilisé afin de marquer les esprits, les motivations qui ont conduit à sa création n’étaient pas de créer une hiérarchie entre les crimes, mais d’établir la spécificité de certains crimes dans le domaine du droit.
Pour aller plus loin…
Le Mémorial propose « Histoire(s) en série », une websérie de 4 épisodes à destination des enseignants et des élèves. Construite sur un format court, elle s’appuie sur des documents d’archives, des témoignages et une mise en perspective proposée par des experts.